Un soir d’hiver, alors qu’elle rentre chez elle en voiture après son travail, Nour, une aide à domicile de cinquante-cinq ans, est confrontée à un phénomène lumineux aussi beau qu’étrange au milieu des vignes rémoises. Cet événement, indéfinissable et peu partageable avec son mari Paco, lui ouvre des horizons nouveaux et vient déstabiliser son « inaltérable légalité quotidienne ». Nour part en quête d’une explication.
Comment un objet mystérieux qui sitôt apparu disparaît, peut-il troubler quelqu’un.e au point de modifier durablement son rapport au monde et à sa propre existence ? En quoi l’observation de l’espace peut-elle susciter une parole scientifique et poétique qui engage autant notre rêverie que notre soif de comprendre, de savoir qui nous sommes, où nous (en) sommes ?
À travers une partition sonore et graphique, ce texte fantastique veut interroger le sentiment de vertige qui naît de la rencontre entre nos existences humaines précaires et le cosmos, l’« impalpable ». L’inexplicable.
Pour mieux tenter de dire nos vies d’ici-bas ?
J’ai vu ça.
Tu n’as rien vu tu as rêvé tu n’as rien vu tu rêves.
Texte : Gwendoline Soublin
Mise en lecture : Nini Bélanger
Interprétation : Troupe du Jamais Lu Paris 2019
Une île japonaise abandonnée par l’économie mondiale et ses derniers habitants.
Une île désaffectée, arpentée seulement par quelques architectes, à la recherche d’une nouvelle utopie, d’un projet qui leur redonnerait du sens.
Un cadavre flotte dans l’eau brûlante d’un onsen, l’un de ces bains japonais aux sources volcaniques.
Laïa, face à lui, tente de reconstruire ses souvenirs : l’agence parisienne ; Benoît et Diane, les deux associé.es ; leur fascination pour leur nouvelle recrue ; mais aussi la rivalité, le désir sexuel à l’oeuvre ; le trio qu’ils ont formé presque malgré eux. Étouffant.
Dans les vapeurs du onsen, le passé lointain revient par bribes. Réapparaît la figure de Toshi, le maître de Benoît et Diane, qui les avait exclus de son agence alors qu’ils étaient prêts à tout pour devenir architectes.
Les temporalités s’entremêlent pour éclaircir le crime, l’identité du cadavre comme celle de son meurtrier. Elles interrogent les mécanismes de pouvoir et de domination sexuelle qui se transmettent inconsciemment de maîtres à élèves, de génération en génération, dans le travail comme dans la création.
ÉTIENNE -
Tu deviendras une grande
plus grande que tes petits patrons
Mais pour ça faut bouffer nippon
Texte : Charlotte Lagrange
Mise en lecture : Solène Paré
Interprétation : Troupe du Jamais Lu Paris 2019
Année 2050, en France. Benoît (ou Ben, quand il va bien et qu’il retrouve pendant quelques instants confiance en lui) a disparu. Pas mort, pas enlevé. Disparu. Sa logeuse, une vieille femme qui n’a pas de temps à perdre avec la politesse, s’inquiète et s’adresse à une association spécialisée en la matière, l’APRÉ. Or ce qu’elle ne sait pas, c’est que Ben/Benoît - clicworker précaire de son état et écrivain quand il le peut – fait l’objet d’une enquête, et ce depuis un moment. Au motif qu’il appellerait à la sédition par le truchement de messages numériques projetés dans la ville, appelés « diffusion sale ». Cinq ans auparavant, l’assemblée nationale adoptait la proposition de loi RMB (Règle Ministérielle sur le Bonheur) sur l’interdiction de manifester.
Vertébré retour zéro est l’histoire recomposée d’une évaporation criminelle, entre passé et présent d’un futur proche.
BENOÎT –
Il est à chier le présent
Il est en train de crever de manière indigne le présent
T’as vu ce que la RMB elle a fait là ?
Texte : Adrien Cornaggia
Mise en lecture : Véronique Côté
Interprétation : Troupe du Jamais Lu Paris 2019
Au long d’une résidence d’une durée de deux mois à Paris, l’auteur québécois Sébastien David mettra les derniers traits à un texte brillant-tout-neuf.
Lampes au front, une dizaine de jeunes actrices et acteurs entreront dans son atelier pour fouiller ses pages
et y dénicher les pépites. Pour mener l’équipée : le metteur en scène français Thomas Quillardet, vaillant
éclaireur des dramaturgies novatrices. Venez les voir à l’œuvre pour admirer les premières trames d’Une fin :
Je nous ai inventé une fin. Il nous reste six mois. C’est le soleil. Il est en constante expansion. Il a toujours été destiné à devenir
ce qu’on appelle une « géante rouge », un phénomène normal dans la vie d’une étoile qui se déroule habituellement sur quelques
milliards d’années. Mais là, c’est maintenant et c’est inexplicable. Est-ce une tragédie ? Non, seulement le cours normal des choses.
LE FILS EN VOITURE QUI REGARDE DROIT DEVANT -
Je veux que chaque jour du reste de ma vie
Soit un film de Xavier Dolan
LA MÈRE EN VOITURE QUI PENSE AU PASSÉ -
J’ai mis des condoms dans la boîte à gants
Texte : Sébastien David
Mise en lecture : Thomas Quillardet
Interprété par les apprenti.e.s du Studio d’Asnières – ESCA : Clémentine Billy, Julia Cash, Juliette Malfray, Eugénie Pouillot, Théo Askolovitch, Steven Dagrou, Arthur Gomez, Soulaymane Rkiba, Ulysse Robin, Nino Rocher
Deux amis – l’Homme chapeau et Petit quelqu’un – se retrouvent chaque année pour les feux d’artifice du nouvel an. Mais voilà qu’au fil du temps, l’un des deux ne vient pas au rendez-vous. Quand il réapparaît une année après, il est changé, il est devenu Quelqu’un. Le pays où cette histoire se passe est en ébullition, le peuple est dans la rue. Le chef de l’état est mort, mais son entourage refuse de l’annoncer. Tous sont vite rattrapés par la rumeur qui envahit la cité.
Métaphore carnavalesque et résolument théâtrale sur l’état du monde actuel, ce texte naît de l’urgence de dire le politique, de nommer ce qui se passe aujourd’hui en Algérie, en France, en Guinée, au Soudan… partout où des populations s’élèvent contre l’ordre établi.
petit matin/ les chiens sont partis/
chacun se débat avec ses blessures/ morsures/
et donc l’autre côté c’est quand/
d’autres espèrent la prochaine fois/
tu décides qu’il n’y aura pas de prochaine fois/
que cette fois tu rentres chez toi
Texte : Hakim Bah
Mise en lecture : Édith Patenaude
Interprétation : La troupe du Jamais Lu Paris 2019
Salut voisine, salut voisin,
Ce soir on s’imagine un juillet ragaillardi, on met nos sandales sentimentales, on détache notre ceinture morale, on enfile le bermuda de
l’impertinence et on se fait une grosse fête de ruelle entre voisin·e·s.
Une soirée où on essaie de franchir la gêne, la timidité, la peur, la colère ou le dégoût qu’on peut ressentir à partager une maison, un bloc, une rue, un quartier, une ville, une province, ou même un pays avec quelqu’un sans jamais lui parler.
Ce soir, nos invité·e·s liront une lettre à ce qu’ils·elles considèrent être leur voisin·e, qu’il ou elle soit réel·le, fantasmé·e, politique, historique, personnel·le. La seule règle : libérer quelque chose par l’écriture. De la colère, de la joie, du désir, de l’espoir…
Faque à soir, on se rassemble lors d’un véritable garden-party de lettres ouvertes, pis on se parle, un hot-dog à la main et une bonne paire d’oreilles ouvertes.
Idéation, mise en espace et animation : Alix Dufresne
Avec : Simon Boulerice, Leanna Brody, Nicole Brossard, Les déesses, Manal Drissi, Frannie Holder, Ricardo Lamour, Geneviève Pettersen, Gabriel Robichaud
Musique en direct : Comment Debord
*Collectif Les déesses : Lori’anne Bemba, Alexie Legendre, Elizabeth Mageren, Amaryllis Tremblay.
Du 3 au 5 mai dernier, le Festival du Jamais Lu s’est transformé en véritable laboratoire d’idées sur notre (mé)connaissance de la dramaturgie pancanadienne contemporaine ainsi que sur la circulation des oeuvres et des artistes. L’ambiance était à la bienveillance et à l’écoute ! Par la tenue de conférences et de discussions animées par des professionnel·le·s francophones, anglophones et autochtones du milieu théâtral canadien, nous avons ratissé large.
Nous remercions chaleureusement les différent·e·s intervenant·e·s qui ont pris part aux échanges ainsi que le public qui a grandement nourri le débat. La nécessité d’ouvrir les réseaux fut palpable, et le plaisir d’être ensemble nous a donné envie de perpétuer ces échanges dans le futur. Chose que nous ferons !
Ce forum a été un véritable incubateur de paroles provenant des 4 coins du Canada. Pour mettre la table, Julie Burelle, Alexandre Cadieux et Erin Hurley nous ont proposé une histoire croisée entre le théâtre francophone, anglophone et autochtone ; une révélation de faire cohabiter les trois récits canoniques. Cette même journée, nous avons interrogé des dramaturges et traducteur·trice·s voisin·e·s qui nous ont partagé leurs différentes perceptions de la dramaturgie québécoise.
Le jour suivant, nous avons exploré le théâtre en dehors du Québec avec Ravi Jain, Émilie Monnet et Geneviève Pelletier avant de découvrir quel regard des directeur·trice·s artistiques montréalais·e·s portaient sur leur propre milieu.
Finalement, après s’être interrogé·e·s sur les frontières, les blocages et les préjugés qui freinent la fluidité des partages entre les différentes communautés théâtrales, nous avons réfléchi ensemble à des innovations qui parviendraient à abattre ces murs invisibles grâce aux conférences de Sophie Gee, Lori Marchand et Gilles Poulin-Denis.
À toutes ces conférences s’ajoutaient des panels de discussions avec une quinzaine d’invité·e·s, tel que Bobby Theodore, Leanna Brodie, Linda Gaboriau, Mishka Lavigne, John Jack Paterson, Vanessa Porteous, Olivier Bertrand, Eda Holmes, Sylvain Schryburt, Emma Tibaldo, Jean-Simon Traversy, Sophie Devirieux, Sara Dion, Esther Duquette, Ryan Griffith et Véronique Hébert.
Ces 3 jours de discussions ont mis en évidence plusieurs problématiques mais aussi, et surtout, un désir commun d’apporter des solutions concrètes et pratiques pour franchir les barrières culturelles, linguistiques, et géographiques qui limitent le développement du théâtre pancanadien. Comment créer avec l’autre, découvrir l’autre, écouter l’autre ? Plusieurs pistes ont été proposées, laissant présager que ce forum n’est que le début d’une grande rencontre.
Un mémoire faisant état de ces 3 journées a été rédigé afin de revenir sur ces trois journées au jour le jour, créer des résumés thématiques et ouvrir des pistes de solutions. Un document qui servira, nous l’espérons, de tremplin pour la suite.
Vous pouvez aussi télécharger le cahier du participant qui a été distribué à tous les participants du Forum et qui vous donnera plus d’informations sur le contenu de ces 3 journées.
Qu’ils soient algorithmes ou frontières tangibles, les murs persistent et s’accumulent contre toute logique. En guise d’acte de résistance, le Jamais Lu invite huit artistes pour imaginer les mille et une façons d’abattre des murs en usant d’intelligence et de sensibilité. Que ce soit un projet collectif, personnel, politique ou poétique, ces artistes nous offriront huit tombées de mur fracassantes, huit façons différentes de franchir les solitudes, pour réfléchir à la relativité des barrières et aux moyens de s’en affranchir.
*Notez qu’il y a sur place une restauration vous permettant de patienter pour la lecture de 20h.
« À l’aide » que criait tout le monde. Pis moi j’étais comme « whaaaaat » ? Faque j’ai décidé d’écrire une toune avec des rimes dedans la toune. Ça a calmé personne. Nobody calm. Y a fallu que je trouve une autre solution.
Un rossignol donne sa vie pour un prétendant instable, une statue se dénude pour sauver les pauvres, et un monstre tente de construire un mur.
Les ravages du colonialisme se font sentir sur le territoire comme dans les cœurs. Son intériorisation bascule les repères. Malgré la douleur et la confusion, survivre à l’apocalypse. Parce qu’il le faut.
L’histoire est un mur qui se dresse entre vous et moi. En 1950, Jules Sioui, poursuivi par la couronne britannique pour sédition, entreprend une grève de la faim qui durera 72 jours. Son combat : les droits légitimes des Premières Nations. Jocelyn nous invite dans un voyage au cœur de ses racines familiales et décortique la petite histoire d’un grand homme.
Il était une petite femme ! Pirouette. Cacahouète. Et sa maison : une histoire de murs qui tombent, de porosités, de résonances.
Un garçon tente d’exorciser sa peur du conflit au travers de la boxe.
Des garagistes musiciens redonnent vie à des êtres bons pour la « scrap » et tentent de reconstruire le moteur qui nous lie.
Francine, la cinquantaine avancée, souffre d’une grande solitude depuis le décès de sa mère et de sa sœur. Isolée, elle se raccroche à sa vapoteuse, à des autocollants de papil-lons et à la vente de chats sur eBay. Après avoir observé sa voisine pendant des années pour passer le temps, Francine devient son aidante à domicile. Elle y rencontre Étienne et Gabrielle, les enfants de la voisine, qui tentent éperdument d’exister dans une réalité qui leur échappe, oscillant entre une pulsion de mort et le rêve d’une caresse.
Mais c’est pas de ça que le texte parle. On va juste apprendre à mourir un peu.
J’ai la vue qui baisse
Peux pas sortir de chez nous l’hiver
La neige m’éblouit
La nuit est trop sombre
Peut-être qu’à travers mes yeux
Y a un visage uniforme pour tout le monde
Une myopie du monde
Un flou d’univers
J’vois pas vraiment
Je travaille à l’aveugle pour remplir les journées
Pour frotter les années
Pour remplir les pièces
Je me lève avec un bras qui manque, compressé par la nuit,
Avec de quoi qui manque…
Silence
J’vends des chats sur eBay
Texte : Mellissa Larivière
Mise en lecture : Alice Ronfard
Interprétation : Louise Bombardier, Simon Pierre Lambert, Étienne Lou, Ève Pressault
Laitue matinale : traduction libre de l’ex-pression shakespearienne « salad days » d’Antoine et Cléopâtre.
[C’est l’histoire de Dillon.]
C’est l’histoire de Cléopâtre, qui regrette ses jours d’innocence.
« Green in judgement, cold in blood ». C’est l’histoire d’Antoine, de sa naissance, de la mort de Cléopâtre.
[C’est l’histoire de Dillon.]
C’est l’histoire de Lionel et de son petit garçon intérieur qui joue dans le driveway. Du jour où celui-ci a pris sa place dans le monde.
Où tout est devenu compliqué.
« Vous la mettez en sandwich ou en salade presque quotidiennement. Mais vous ne vous aventurez jamais au-delà des deux types de base, c’est-à-dire iceberg et romaine.
Vous ignorez peut-être qu’il existe des centaines d’hybrides – à tel point que vous pourriez manger une laitue différente chaque jour, et ce, pendant presque un an.
Vous aurez peut-être aussi compris qu’il s’agit ici d’une métaphore et que nous ne voulions pas vraiment vous parler du binarisme de vos plats d’accompagnement. »
Une lecture réalisée en collaboration avec l’Association des théâtres francophones du Canada et Zones théâtrales.
Mise en lecture : Matt Miwa
Interprétation : Lionel Lehouillier, Dillon Orr
Les artistes tiennent à remercier Vincent Mousseau, Émanuel Dubbeldam et Alexander Mark pour leur témoignage