L’accélérateur de particule est une invitation à découvrir ce qui se trame sur la table de travail des auteurs de la relève. Cette année, 5 extraits d’univers en construction vous sont présentés lors d’une même soirée.
Il existe un endroit très secret,
à l’intérieur de cet endroit, il y a quelqu’un,
ce quelqu’un me regarde,
me regarde sans arrêt,
et sans arrêt, je tente de le fuir,
et plus je le fuis, plus il se rapproche de moi,
dans sa cabane,
et plus il se rapproche de moi,
dans sa cabane,
plus j’ai envie d’être méchant,
et plus je suis méchant,
plus je suis divertissant,
et plus je suis divertissant,
plus les gens m’aiment,
et plus les gens m’aiment,
plus je suis heureux,
et plus je suis heureux,
plus je suis malheureux,
parce que je ne peux pas être heureux,
parce que je sais très bien qu’il existe cet endroit très secret,
dans lequel, il y a quelqu’un,
qui me regarde
et me regarde,
encore.
Michael
Ce qui est fucked up de tout ça, c’est que j’aime ça.
J’aime ça parce que j’arrive un peu à oublier qu’il y a un étranger à l’intérieur de moi.
Un étranger qui me veut du mal.
Ouin.
C’est ça qui est dangereux.
J’oublie.
Pis crisse que j’aime ça.
Pour fuir un monde occidental qui sombre peu à peu dans la barbarie, Émilien, un Parisien sexagénaire, et sa fille quittent la France pour le Québec. Ils trouvent refuge chez une amie de longue date d’Émilien. La découverte d’un roman oublié les confronte à eux-mêmes et à leur passé.
ÉMILIEN ‒ Il est mystérieux ce petit archipel au loin.
MÉLODIE ‒ Quand Mélisande était petite, elle disait que c’était les Açores… à cause d’un titre de livre qui l’avait intriguée… Elle m’avait demandé c’était quoi les Açores. Je lui avais juste dit que c’était un archipel dans l’océan Atlantique. Elle m’avait demandé c’était quoi un archipel. Je lui avais dit que c’était plein de petites îles ensemble, comme celles dans le fleuve au chalet… J’essayais de lui apprendre à ne pas refouler ses émotions, je lui disais qu’aux Açores, on avait le droit de tout dire, tout vivre, tout faire… pour lui faire passer ses pulsions. Que là-bas, elle avait le droit. Le droit de vivre l’impossible. Une sorte de poésie éducative…
Dans une pièce mal éclairée, Jean sculpte avec l’énergie de l’assoiffé. Mais pourquoi sculpte-t-il? À quoi ça rime de travailler le bois sans but précis, autre que celui de créer?
Il explore les formes humaines, fasciné par ces autres qu’il ne comprend pas.
Tour à tour, ses créations s’expriment, le questionnent, intarissables.
Comme des enfants, elles lui demandent de raconter des histoires, d’inventer, de mentir. Elles le confrontent aussi, à sa vie, à ses échecs, à ses rêves qui jaunissent.
Au fil de ces échanges, Jean tente de retracer son chemin, ou de s’en tracer un nouveau.
T’aurais pu au moins commencer par le corps, j’aurais pas eu conscience de ce qui m’arrive.
Ça aurait été moins long pour moi.
En plus si t’avais commencé par mon corps, tu te serais assuré que ça soit à l’échelle.
Là, avec la grosseur de tête que tu me gosses, je m’enligne pour…
Eille.
EILLE! Allo? Monsieur? Monsieur! Papa?
Olivier disparaît mystérieusement à l’âge de 16 ans sans laisser de note. Cinq ans après les événements, alors qu’elle est en roadtrip avec son amoureux, sa soeur s’arrête au Subway d’Amqui pour aller aux toilettes et tombe face à face avec lui, maintenant commis dans ce fast-food. Cinq ans après sa disparition, c’est dans un petit village de la Gaspésie que Karine retrouve son frère. S’amorce alors une longue nuit durant laquelle elle tente de comprendre et de le convaincre de revenir.
KARINE ‒ Oli, si tu t’es fait’ agresser, OK, même si c’est par p’pa, j’veux que tu me l’dises. Pasque là, c’est impossible pour moi de comprendre. C’est impossible pour moi d’accepter que t’es juste parti sans raison. C’est sûr que t’avais une raison. C’est sûr. Faut que tu me l’dises.
OLIVIER ‒ Je sais pas quoi t’dire. Temps. J’vous aimais pas.
Mamie est un truck. Mamie aime les guns. Mamie n’aime pas son gendre Michel. Michel est doux. Michel veut être mâle. Michel aime Manon. Manon aime Michel, elle est maintenant sur le droit chemin. Michel veut prouver à Mamie qu’il a des couilles. Mamie revient de la chasse. Michel a peur pour son fils Claude. Michel prend en charge l’éducation de son fils. Claude morve, il ne trouve plus sa pouliche. Manon ne reconnaît plus son homme. Mamie a tué. Manon tente de décomplexer Michel. Mamie est saoule. Claude a faim. Michel est en crise.
Extrait
Mamie Sherley ‒ Pauvre Michel, ça fait six ans que j’te connais, pis en six ans t’as même pas été foutu de tuer une p’tite pardrix.
Michel ‒ J’ai déjà…
Mamie Sherley ‒ Une chance que t’es pas un sauvage.
Michel ‒ Avant de vous connaître…
Mamie Sherley ‒ Tu ferais la cueillette comme les femmes abénaquises.
Michel ‒ J’ai… j’ai déjà tué.